Les Russes blancs en France

Suite à la Révolution de 1917 et à la guerre civile qui ont secoué la Russie au début du XXe siècle, des milliers de Russes blancs trouvèrent refuge en France, apportant avec eux leur culture, leur savoir-faire et leur histoire. A l'apogée numérique de leur présence en France en 1931, on en dénombrait environ 80 000 sur le territoire (voir L'exil russe - la fabrique du réfugié apatride de Catherine Gousseff).


Une présence ancienne 

Toutefois, la présence russe en France ne date pas seulement de la Révolution russe car la France exerce un attrait considérable auprès des Russes depuis le séjour à Versailles de Pierre le Grand en 1717. Avant la Révolution, la France comptait déjà une importante communauté russe, composée d’aristocrates (particulièrement à Nice), de diplomates, d’étudiants, d’artistes peintres, de troupes de ballets (dont les fameux ballets russes de Diaghileff), de révolutionnaires (dont certains deviendront célèbres comme Lénine et Trotski), et surtout d’artisans et commerçants juifs ayant fui les pogroms ou la politique discriminatoire du régime tsariste.


L'amitié franco-russe

A la fin du XIXe siècle, l'amitié entre la république française et l'empire russe se traduit par la signature d'une alliance franco-russe en 1894, suivie par la visite impériale de Nicolas II et de la tsarine à Paris, en 1896, durant laquelle est posée la première pierre du pont Alexandre III. Pendant la guerre civile en Russie, la France apporte un soutien militaire aux Armées blanches en intervenant sur le front sud, et est la seule à reconnaître le gouvernement Wrangel de Crimée. Elle offre la protection de sa flotte lors de l’évacuation de novembre 1920 et se charge du ravitaillement des militaires russes cantonnés pendant plusieurs mois sur la péninsule de Gallipoli et sur l'île de Lemnos.


Arrivée et profil des réfugiés Russes

Les premiers Russes blancs à arriver en France sont des représentants des élites, fuyant le pays dès les premiers bouleversements politiques et sociaux. Ils sont ensuite rejoints, vers 1923-1924, par les militaires des Armées blanches défaites qui atteignent la France après avoir transité par Constantinople et les Balkans, ou par Bizerte en Tunisie. Les réfugiés russes provenant d'Allemagne en raison d'une dégradation économique extrême résultant d'une inflation galopante, les émigrés de la NEP (Nouvelle Politique Economique) mise en place par les bolchéviques, et les soldats russes ayant fait partie du corps expéditionnaire russe en France ou anciens prisonniers de guerre en Allemagne, complètent le tableau. Toutes les catégories sociales et toutes les tendances politiques de la société russe prérévolutionnaire sont présentes dans l’émigration, à l’exception des bolchéviques.


Paris, capitale de la Russie hors-frontières

Paris est rapidement devenue le centre politique et culturel de l'émigration russe en France. La ville a accueilli de nombreuses associations russes, représentant les intérêts politiques, culturels, économiques et professionnels de la communauté russe en exil. De plus, Paris offrait de nombreuses opportunités de travail pour les réfugiés russes, notamment dans les usines Renault et Citroën en plein essor, ou comme chauffeurs de taxis dont le mythe persiste encore aujourd'hui.


Lieux de villégiature

Outre Paris, les villes de villégiature de la côte d'Azur (Nice et Cannes) ou de la côte basque (Biarritz), particulièrement prisées par les aristocrates qui y séjournaient déjà avant la Révolution, ont également servi de refuge aux Russes blancs. Après la Révolution, le nombre de Russes installés dans la région augmente significativement, mais les nouveaux arrivants, bien que riches en souvenirs de leur passé prospère, doivent accepter un niveau de vie plus modeste.


Régions industrielles

Après la Première Guerre mondiale, de nombreux Russes blancs ont contribué à la reconstruction industrielle de la France, travaillant dans des industries telles que la métallurgie, le textile et l'électrométallurgie. Ils ont souvent été bien accueillis par les entreprises françaises, qui ont facilité leur intégration en mettant à leur disposition un lieu de culte favorisant la vie paroissiale et donc une présence durable. Plusieurs paroisses orthodoxes créées à cette époque, comme celles d’Ugine ou de Colombelles, existent encore aujourd’hui.


Campagne et Corse

Certains réfugiés russes ont été encouragés à s'installer dans les régions rurales françaises, notamment dans le Sud-Ouest, pour revitaliser les zones rurales en déclin. Enfin, un certain nombre de réfugiés russes ont trouvé refuge en Corse lors du passage du paquebot Rion, où ils ont contribué à l'économie locale et se sont intégrés à la société insulaire.

>>> Plus de détails dans le second volume Retracer la vie d'un ancêtre.

Image : « Chauffeur russe sur les boulevards ». Pavel Pavlovich Matyunin. Couverture La Russie Illustrée du 27/02/1926 (archives Université de Gand)

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